La contribution foncière unique (CFU) est un impôt synthétique introduit en République de Guinée par la loi de finances 1998. En vigueur depuis le 1er janvier 1998, elle se substitue à plusieurs prélèvements fiscaux antérieurs, notamment la contribution foncière sur les propriétés bâties, la contribution foncière sur les propriétés non bâties, la taxe d’habitation, ainsi que l’impôt sur le revenu foncier.
Instituée au profit du Budget National et des collectivités locales, la CFU joue un rôle essentiel dans le financement des infrastructures publiques et des initiatives locales.
En tant que dispositif fiscal globalisant, la CFU simplifie le régime fiscal foncier tout en permettant une répartition équitable de la charge fiscale entre les contribuables. Elle constitue ainsi un instrument clé pour mobiliser les ressources internes nécessaires au développement économique et social du pays.
Notre travail dans cet article, visera à analyser les fondements juridiques et les modalités d’application de la CFU en s’appuyant sur les dispositions légales en vigueur.
La portée et les redevables de la CFU
La CFU s’applique à toutes les personnes physiques ou morales qui remplissent les critères énoncés à l’article 259 du Code Général des Impôts. Ces redevables sont divisés en deux catégories principales. Les propriétaires fonciers c’est-à-dire toute, personne possédant, au 1er janvier de l’année d’imposition, des propriétés foncières bâties ou non bâties situées sur le territoire national. Et Les percepteurs de revenus fonciers c’est-à-dire ceux qui tirent des revenus de biens immobiliers, qu’ils soient bâtis ou non bâtis.
Cette contribution est due par toute personne physique ou morale possédant des propriétés foncières, qu’elles soient bâties ou non bâties. Les propriétés bâties comprennent les constructions fixées au sol à perpétuelle demeure, telles que les maisons, usines, fabriques, ou encore les outillages industriels attachés de manière permanente à un fonds. Quant aux propriétés non bâties, elles incluent les terrains nus destinés à un usage commercial ou industriel, qu’ils soient occupés par le propriétaire ou mis à disposition d’autrui, gratuitement ou moyennant rémunération.
En cas d’impossibilité d’identifier ou d’accéder directement au propriétaire, l’article 259 précise que d’autres personnes peuvent être tenues au paiement de la CFU, notamment, les possesseurs ou mandataires ; les locataires ou légataires ; ou out ayant droit agissant pour le compte du propriétaire.
Cette responsabilité subsidiaire garantit la perception effective de l’impôt, quelle que soit la situation juridique du propriétaire.
Les bases d’imposition de la CFU
La Contribution foncière unique repose essentiellement sur deux (2) bases, telles qu’énoncées à l’article 260 du CGI. Nous avons dans un premier temps, les propriétés foncières bâties et non bâties qui prennent en compte toutes les propriétés foncières situées sur le territoire guinéen, quelle que soit leur utilisation ou leur vocation. Cette disposition vise à inclure aussi bien les terrains à usage résidentiel que ceux à usage commercial ou agricole.
Et en second lieu, il y a les revenus fonciers qui couvrent les revenus tirés de la location de biens immobiliers qui sont également imposés. Cela inclut les loyers perçus par les propriétaires, qu’ils soient des personnes physiques ou morales.
L’article 260 introduit également une disposition particulière pour les baux à construction. En la matière, lorsqu’un locataire est tenu de construire à ses frais un immeuble bâti qui reviendra au propriétaire à l’expiration du bail, le locataire devient le redevable de la CFU sur cet immeuble construit. Cette mesure s’assure que l’obligation fiscale est équitablement répartie entre les différents acteurs impliqués dans l’exploitation foncière.
Paiement de la contribution
La Contribution Foncière Unique (CFU) est recouvrée par le receveur de la fiscalité à Conakry et par le receveur des impôts dans les autres régions du pays. Le paiement doit être effectué au plus tard le 30 juin de chaque année.
Il est également possible de régler la CFU par versements d’acompte ou par retenues à la source, notamment pour les biens loués à l’État ou à des personnes morales. Ces retenues à la source sont déductibles du montant de la CFU due par les redevables. Toutefois, en cas de retenues excédentaires non imputables, le surplus est définitivement acquis par le Trésor public.
Selon Art.265(CGI), le taux de la contribution foncière unique est fixé comme suit: lorsque l’immeuble est occupé par le propriétaire 10% de la valeur locative annuelle ; lorsque l’immeuble est en location 15% de la valeur locative annuelle.
Sur la Retenue à la source
Les personnes morales assujetties à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont assujetties à la retenue à la source.
Pour les Sociétés versant des loyers, il est important de noter que le paiement de la CFU incombe légalement au bailleur (propriétaire de l’immeuble) ce n’est nullement à vous de supporter. Cependant, en vertu de la législation fiscale en vigueur, vous êtes tenu de pratiquer une retenue à la source de 15 % sur le loyer mensuel que vous versez au bailleur et de reverser cette retenue à l’administration fiscale.
Ces sociétés doivent fournir à l’administration fiscale, avant le 1er février de chaque année, un état récapitulatif des loyers versés au cours de l’année précédente et des sommes prélevées.
Le non-respect de cette obligation déclarative susmentionnée est sanctionné par l’application d’une majoration égale à 10% des sommes dues au titre de l’année d’imposition.
Cependant, si vous êtes propriétaire du bien immobilier utilisé, le calcul de la CFU repose sur la valeur vénale de la propriété foncière. Conformément aux articles 261 et 262 du Code Général des Impôts (CGI), la valeur vénale est déterminée comme suit:
La valeur vénale correspond à 70 % du prix de revient de la propriété foncière, lequel inclut les frais de construction, la valeur du terrain, les autres coûts liés à l’acquisition et à l’aménagement de l’immeuble. La CFU est ensuite calculée à partir de 10 % de cette valeur vénale.
En ce qui concerne l’exonération
Certaines propriétés sont exonérées de la Contribution Foncière Unique (CFU) en raison de leur affectation ou de leur propriétaire. Les propriétés appartenant à l’État et aux collectivités locales sont exemptées lorsqu’elles sont affectées à un service public ou d’utilité générale. De même, les édifices et lieux servant à l’exercice du culte ne sont pas soumis à cette contribution.
Les immeubles à usage préscolaire et scolaire publics bénéficient également de cette exonération. Quant aux immeubles à usage préscolaire et scolaire privés, ils sont exonérés lorsqu’ils ont été édifiés par des promoteurs. Enfin, les propriétés appartenant aux représentations diplomatiques et consulaires sont exemptées, sous réserve du principe de réciprocité internationale.
On serait à même de se demander quels peuvent être des objectifs et enjeux de la CFU en République de Guinée ?
D’après l’analyse du corpus fiscal guinéen ainsi que l’entretien mené auprès d’un nombre important d’acteurs du domaine, on peut retenir que l’institution de la CFU vise plusieurs objectifs stratégiques dont entre autres, l’optimisation la fiscalité foncière. En regroupant plusieurs taxes sous une contribution unique, la CFU simplifie le système fiscal et réduit les coûts administratifs aux yeux de tous les acteurs et plus particulièrement des contribuables.
Nous avons également le Renforcement des ressources locales. La CFU constitue une source directe de financement pour les collectivités locales, leur permettant de réaliser des projets de développement et d’améliorer les services publics. Et enfin, la responsabilité fiscale car, les dispositions énoncées dans les articles 259 et 260 encouragent une responsabilisation accrue des contribuables, qu’ils soient propriétaires ou mandataires.
Cependant, à l’état actuel de notre pays, la mise en œuvre de la CFU peut présenter des défis, notamment, la difficulté d’identification des propriétaires. Il faut reconnaitre que nous faisons face à une absence de registres fonciers fiables et cela peut compliquer la collecte de l’impôt.
En second lieu, nous avons un gros problème de non sensibilisation des contribuables. On ne fustigera pas les efforts déjà consentis par l’administration fiscale actuelle, cependant, il reste encore du chemin à parcourir. Et les autorités en charge doivent œuvrer pour une large sensibilisation des contribuables. Il est essentiel d’informer les citoyens sur leurs obligations fiscales pour améliorer la conformité.
Pour terminer, il est judicieux de comprendre que la Contribution Foncière Unique représente une avancée significative dans la modernisation de la fiscalité foncière en Guinée. En réunissant les taxes foncières sous un même régime, elle répond à un souci de simplification et d’efficacité fiscale tout en renforçant les ressources locales. Cependant, son succès repose sur une application rigoureuse des dispositions légales et sur une collaboration étroite entre les autorités fiscales et les contribuables.
Zézé INAPOGUI
Juriste d’entreprises, Assistant au cabinet d’avocats PAL & JPK