Dans l’espace de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) les baux professionnels sont, depuis la réforme du 15 décembre 2010, réglementés par les dispositions des articles 101 et suivants de l’acte uniforme relatif au droit commercial général.
La destination du bien (le local objet du bail) dans les baux professionnels c’est l’exploitation à titre commercial, industriel, artisanal ou à tout autre usage professionnel : d’où l’appellation par le législateur OHADA de bail à usage professionnel.
Dans le bail à usage professionnel contrairement au bail d’habitation le preneur bénéficie d’un droit spécial. C’est le droit au renouvellement du bail dont la violation est sanctionnée par le paiement d’une indemnité dénommée indemnité d’éviction.
Aux termes de l’article 124 de l’acte uniforme du 15 décembre 2010 : « Dans un bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement de son bail en vertu de l’article 123 ci-dessus peut demander le renouvellement de celui-ci, par signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d’établir la réception effective par le destinataire, au plus tard trois mois avant la date d’expiration du bail ».
A la lecture de cette disposition, il ressort que le législateur OHADA met à la charge du preneur qui entend renouveler son bail, l’obligation de faire une demande de renouvellement qui sera portée à la connaissance du destinataire qui est le plus souvent le bailleur par signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen dans un délai de trois (3) mois avant la date d’expiration du bail.
La question qui se pose est celle de savoir quel serait le sort du bail si le preneur ne forme pas sa demande de renouvellement dans le délai requis ?
Le respect de la procédure d’obtention du droit au renouvellement énoncée par l’article 124 de l’acte uniforme est impératif comme le souligne les professeurs Akuété Pedro SANTOS et Koffi Mawunyo AGBENOTO dans leur annotation de l’acte uniforme révisé du 15 décembre 2010 sur le droit commercial général.
Selon l’alinéa 2 de l’article suscité : « Le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement du bail ». Ce texte sanctionne l’inobservation du délai imposé pour la formulation de la demande de renouvellement par la déchéance. C’est cette solution que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage a adopté dans son arrêt du 29 novembre 2011 en jugeant que le preneur qui sollicite le renouvellement du bail hors du délai prescrit est déchu de son droit au renouvellement (CCJA, arrêt n°013/2011 du 29 nov. 2011 : Ohadata J-13-07).
Il convient également de s’interroger, si le preneur déchu du droit au renouvellement du bail peut bénéficier de l’indemnité d’éviction ?
L’article 126 de l’acte uniforme relatif au droit commercial général dispose que : « Le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée en réglant au locataire une indemnité d’éviction ». Cette disposition de l’acte uniforme sanctionne le refus du bailleur de renouveler le bail par le paiement au preneur d’une indemnité dite indemnité d’éviction.
Il ressort clairement de ce texte que l’indemnité d’éviction est due au preneur lorsque le bailleur s’oppose au renouvellement. Autrement dit, l’indemnité d’éviction sanctionne uniquement l’opposition du bailleur de renouveler le bail de son locataire qui a respecté les conditions énoncées par l’article 123 et qui n’avance aucun motif grave et légitime ou qui ne justifie pas la reprise du local pour le démolir en vue de le reconstruire.
La déchéance du droit au renouvellement est la sanction du preneur qui n’a pas observé la procédure de renouvellement de son bail conformément aux dispositions de l’article 124 de l’acte uniforme du 15 décembre 2010 ; par conséquent, il perd non seulement le privilège du renouvellement du bail mais aussi l’indemnité d’éviction.
Par Cece Mathias LOUA,
Juriste d’entreprise
Titulaire d’un master en droit des obligations civiles et commerciales
Président de l’Association Guinéenne des Juristes d’affaires << AGUIJA >>
Administrateur Adjoint de la revue Juriguinée